Essen 2015 : le bilan

Comme chaque année, la ville d'Essen en Allemagne est devenue le centre du monde ludique durant les 4 jours du "Spiel", du 8 au 11 octobre. Il s'agit du plus grand salon dédié aux jeux de société, celui au cours duquel sont présentées la plupart des nouveautés quelques semaines avant Noël.
Cette année, nous avons pu nous y rendre avec mon épouse, et vous pouvez consulter nos photos de l'événement en suivant ce lien. Notre précédent passage sur le salon date de 2013 et depuis le Spiel a pris de l'embonpoint. Il est passé de 48 à 63 000 m2, soit 30% d'espace supplémentaire à parcourir et dans lequel se perdre, au milieu de ces milliers d'amateurs de jeux de société.
Je vous présente donc ici mon retour sur le salon 2015, auquel fera suite celui de mon épouse, qui vous exposera son regard, moins geek, sur le Spiel.

Le Fairplay
Depuis des années, ce classement réalisé par le magazine du même nom, constitue une excellente base quant aux jeux à ne pas manquer. Il n'est pas infaillible (Wallace et Splotter en sont généralement absents), mais je vous invite à regarder le classement des années précédentes, pour vous rendre compte qu'il est souvent très pertinent.
Le classement de cette année est le suivant :

Le nombre en face de chaque jeu représente la note moyenne qui lui a été attribuée, 1 étant la meilleure note et 6 la moins bonne.

La seule surprise est le résultat de La Granja, sorti en début d'année chez nous, et qui vient d'être réédité en allemand par PD Verlag. Sur BdmL, on trouve qu'il manque un peu d'originalité, mais on sait bien que les joueurs allemands privilégient généralement l'efficacité des mécanismes, et de ce côté il n'y a rien à lui reprocher.
Pour le reste, on retrouve une grande partie des jeux attendus, comme les 2 What's Your Game ? Nippon et Signorie, qui confirment tout le bien que je pense de cet éditeur.
Enfin il faut noter que Bretagne, Between Two Cities, Haspelknecht, Tides of Time et quelques autres ne sont pas dans ce classement car ils n'ont pas obtenu assez de notes.

Un salon sans surprise
On peut donc dire que ce fût un salon sans réelle surprise, sans doute en grande partie car nous l'avions mieux préparé qu'il y a 2 ans, en parcourant à l'avance de nombreuses règles.
Mais cela n'empêche pas les interrogations et la difficulté de faire certains choix quand on se retrouve sur place. Heureusement, nous sommes parvenus à nous faire expliquer de façon assez complète et claire Mombasa, Haithabu, Simurgh, nous avons même pu jouer quelques tours à Dice City, Haspelknecht, Potion Explosion, et nous avons fait une partie complète de Between Two Cities. De quoi nous aider à faire un peu de trie.

Parmi les éléments marquants de cette année, on trouve l'omniprésence d'Asmodée devenu un géant du jeu; la montée de Kickstarter, sans lequel de nombreux jeux présentés n'auraient même pas existé. J'avoue avoir encore quelques réserves sur les bienfaits de Kickstarter. Je comprend parfaitement l'intérêt pour trouver un financement, mais je regrette que cela permettent trop souvent de s'affranchir du regard d'un éditeur qui aurait peut-être pu contribuer à transformer un bon jeu en un très bon.
Sur le stand de Pegasus on pouvait observer les exemplaires de Mega Civilization partir comme des petits pains (300 en 3 jours). A 179 euros pour 5 à 18 joueurs, avec des parties de 12h, c'est assez impressionnant...

Quelques critiques également, envers les éditeurs francophones qui n'ont pas vraiment joué le jeu du salon, en affichant des prix relativement élevés alors que de nombreux éditeurs faisaient des efforts comme par exemple Queen Game qui baissait de 25% ses nouveautés. Le comble du ridicule a été atteint avec une version française de German Railroads vendue 2 fois plus chère que la version allemande (sans texte sur le matériel bien sûre).
Enfin je trouve regrettable le choix d'Eagle Games d'avoir sur-dimensionné The Gallerist. Sans cela, il aurait pu être édité à un prix plus raisonnable, et donc accessible à un plus grand nombre de joueurs.

Notre moment fort
Il s'agit indéniablement de la rencontre avec Stefania Niccolini et Marco Canetta, les auteurs de l'excellent ZhanGuo, dont j'avais réalisé l'interview par email. Ils nous ont fait découvrir leur prochain jeu "Rhein River Trade", qui n'a malheureusement pas pu être produit à temps pour le salon.
Ce fût également l'occasion de la photo de groupe présentée ci-contre. On y retrouve en plus de Marco et Stefania, Pierluca Zizzi, Paolo Mori et de nombreux autres auteurs italiens, décidément très présents dans le monde du jeu.


Les nouveautés achetées sur place

Nippon
Le nouveau jeu des auteurs des excellents Madeira et Panamax était ma priorité n°1, et je l'avais d'ailleurs pré-commandé.
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Signorie
What's Your Game ? encore... Pré-commandé aussi à la fois pour le tarif préférentiel et comme pour Nippon, sur le nom des auteurs et de l'éditeur.
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Ships
Le retour au jeux de gestion de Martin Wallace ne pouvait pas m'échapper. Pris sans même essayer, ni se faire expliquer la règle que j'avais tout de même regardé rapidement, histoire de m'assurer du style du jeu.
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Bretagne
Encore un jeu pré-commandé, mais cette fois, suite à la lecture de la règle. Le thème m'avait plu, le graphisme aussi, la règle m'a donné très envie de l'essayer. Et les premiers retours semblent me donner raison :-)
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Council of Four
Après Tzolk'In the Mayan Calendar et Auf den Spuren von Marco Polo, Council of Four est plus léger, mais m'a franchement emballé à la lecture de la règle.
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Isle of Skye
Une sorte de Carcassonne avec un mécanisme d'achat des tuiles qui me paraît très intéressant. Pour l'anecdote, on a assisté à une partie jouée par Stefan Feld venu pour une fois au salon en simple visiteur, puisqu'il ne publiait aucun jeu cette année.
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Mombasa
L'explication qui nous a été faite m'avait un peu laissé sur ma faim et j'ai longtemps hésité. Mais son succès au fairplay et son esthétique m'ont convaincu de lui donner sa chance.
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Trambahn
J'avais envie de renouveler un peu ma collection de petits jeux à 2, et Trambahn, inspiré des Cités Perdues, était l'un des parfaits candidats.
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Dilluvia Project
J'étais passé à côté lors de ma sélection initiale, sans doute en grande partie pour son esthétique peu attirante. Il aura fallu la relative déception d'Haithabu présenté sur la même table, pour que nous nous y intéressions. Par contre, présenté sur une seule table, il nous a été impossible de nous le faire expliquer sur le salon. Je l'ai pris au feeling, après avoir suivi durant quelques minutes le cours d'une partie.
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German Railroads
Cette extension pour Russian Railroads propose de nouvelles lignes qui semblent très intéressantes à gérer. Au prix français nous ne l'aurions pas pris, mais au pris allemand difficile de résister.
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Porta Nigra
Les nouveaux jeux de Wolfgang Kramer et Michael Kiesling sont passés relativement inaperçus cette année. Pourtant Porta-Nigra est esthétiquement très réussi. Il n'était donc pas envisageable de passer à côté.
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Clochemerle
J'avoue qu'en première intention je n'étais pas très motivé par Clochemerle. Mais Gigamic a fait une bonne promo sur l'achat groupé avec Porta-Nigra. J'ai parcouru la règle rapidement, et le nom des auteurs à fait le reste : Inka et Markus Brand.
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Pi Mal Pflaumen
Petit jeu de cartes signé Matthias Cramer, auquel la lecture de la règle m'a donné très envie de jouer. A 8 euros sur le salon je ne pouvais pas le rater.
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Tides of Time
Son apparition dans la liste du classement fairplay m'a interpellé. Un jeu avec seulement 18 cartes. Voilà un beau challenge qui a éveillé ma curiosité.
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Queen's Architect
L'éditeur allemand le plus représenté sur le salon fait toujours des prix sur ces jeux à Essen. Après avoir quelque peu hésité avec Liguria, c'est finalement sur Queen's Architect dont les échos sont plutôt bons sur le web que j'ai jeté mon dévolu.
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Ceux commandés ou en passe de l'être

Food Chain Magnate
Splotter = achat obligatoire ! C'est comme ça depuis Antiquity...
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7 Wonders : Duel
Comme pratiquement tout le monde j'ai adoré 7 Wonders. Je pense qu'en travaillant avec Bruno Cathala pour concevoir la version 2 joueurs, Antoine Bauza a eu encore une brillante idée. Je ne l'ai pas essayé mais la présentation du jeu sur le web a suffit à me convaincre.
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Between Two Cities
J'étais perplexe sur le concept, mais très intéressé par la possibilité de le jouer à 6 (et même 7). Nous avons pu en faire une partie sur le salon, et je suis pleinement rassuré. Il nous offrira une bonne alternative aux party-game lors de nos soirée à 6 joueurs.
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Shakespeare
Je suis devenu méfiant envers Ystari dont les derniers jeux ne m'ont pas convaincu et certaines traductions m'ont vraiment déçu. Du coup j'ai longuement hésité avant de donner sa chance à Shakespeare.
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Les plus anciens achetés sur place

Castle of Mad King Ludwig
J'avais été découragé par son prix élevé l'an dernier, mais j'espérais bien le trouver bien plus abordable cette année. Ce fût le cas, et il a donc rejoint ma ludothèque même si je crains qu'il soit un peu trop calculatoire.
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Patchwork
L'engouement un peu trop systématique envers les jeux d'Uwe Rosenberg de ces dernières années m'avait conduit à être prudent quant aux avis sur ces dernières créations. Du coup j'étais passé à côté de Patchwork qui semble pourtant excellent. J'ai donc corrigé cette erreur.
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Ugo!
Il y a 2 ans, nous avions hésité à le prendre après l'avoir essayé. Il était alors un peu cher pour un simple jeu de cartes. Cette année son prix était plus raisonnable, nous en avons donc profité.
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Kingdom Builder : Nomads
Cela faisait plusieurs mois que j'avais envie de tester au moins l'une des extensions de Kingdom Builder, histoire d'essayer de renouveler une peu le jeu. J'ai donc profité des tarifs du salon pour prendre cette extension.
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Vous verrez donc arriver petit à petit les descriptions et critiques de ces jeux sur le site. En attendant, je cède le clavier à mon épouse.

Un autre regard sur le Spiel...

Au revoir la France et ses soucis, guten tag l'Allemagne et son Messe pour le Spiel 2015.
Enfin, nous y voici, ce moment tant attendu, après 9h de route. Nous suivons tous ces gens, larges sourires, le pas rapide, persuadés d'aller découvrir un trésor et trouver sa pépite. Cette pépite, c'est ce jeu pour lequel on laisse échapper ce fameux « waouh ».

Essen, ce n'est pas qu'une vitrine de jeux de société où se joue un commerce effréné. On y trouve tous les auteurs, éditeurs et plus de 150 000 joueurs.
Essen, c'est pour moi des surprises, des scènes, des images, une ambiance et une expérience humaine inoubliable. Essen, c'est voir un enfant en fauteuil roulant visiblement heureux d'être là, de voir plus loin un vieux monsieur en déambulateur demander son ticket d'entrée. C'est chouette de voir une telle motivation, vu le monde et la difficulté parfois de circuler dans les allées...
Essen, c'est déjeuner à côté d'un inconnu qui lorgne l'intérieur de notre sac de jeux, et finit par nous dire "je suis l'éditeur de ce jeu"... Et hop, encore un bon moment passé et un bon souvenir.
Et puis, on trouve les auteurs d'un de nos jeux favoris. Ils nous invitent à faire une partie de leur nouveau jeu qui ne sera édité que l'année prochaine ; entrecoupée de présentations diverses (l'un des auteurs d'Hyperborea et Signorie, leur fils, leur fille, le traducteur de leurs jeux) et nous invite à prendre une photo de groupe de tous les auteurs italiens...
La partie dure finalement 3h. Quel souvenir extra ! C'est promis on se reverra.

Et on continue notre errance dans les halls et un stormtrooper sort par une porte et pose son bras sur mon épaule, et clic, une photo en souvenir.

Essen , c'est une multitude de sourires, de rires, de discussions en italien, en allemand, en anglais, en français partagées entre amis, en famille, en couple. Certains s'inviteront à votre table de jeu, d'autres vous inviterons à partager la leur. Tous ces gens sont décomplexés, pas d'artifice, rien d'autre à offrir que leur passion du jeu, leur bonne humeur, leur respect des autres et la tolérance.
Essen, c'est mysterium, c'est une contagion, une pandémie, non, pas une maladie, plutôt un traitement, une solution à la morosité, au cynisme du monde. Vite, ouvrir les boîtes de jeu qui fleurent bon le neuf et partager des parties entre amis. Cette expérience du Spiel, c'est ça ma pépite.

Sarah


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