Peyridieu Jean-François
vous présente son travail de thèse
effectué de 1992 à 1995
au Centre de Recherche sur les Très Basses
Températures,
laboratoire du CNRS à Grenoble, sur le
thème
Cryopréservation d'organes par vitrification
- Les techniques actuellement utilisées dans les hôpitaux
ne
permettent de conserver les organes que durant 4 à 72 h, entre le
prélèvement et la greffe (4-6h : coeur, 12 h : pancréas,
foie, 48-72h : rein).
La conservation longue durée des organes à basses
températures est un des paramètres qui pourront permettre le
développement des greffes. Cette recherche nécessite une approche
pluridisciplinaire, étant donné la variété des
problèmes rencontrés. C'est le cas à Grenoble où
une collaboration entre différentes équipes de biologistes,
chirurgiens et physiciens essaye de proposer une solution au problème
de conservation des organes.
La cryopréservation nécessite de perfuser le greffon avec
un cryoprotecteur (antigel) qui va gêner la cristallisation de l'eau
contenue dans l'organe. De plus, la technique vers laquelle nous nous sommes
tournés pour réaliser cette cryopréservation consiste
à vitrifier totalement l'organe. L'état vitreux peut être
considéré comme stable par rapport aux temps de conservation
souhaités (de quelques semaines à quelques mois). Cela impose
de le refroidir très rapidement
jusqu'à une
température
voisine de celle de l'azote liquide (-196°C), à laquelle il sera
conservé, puis de le réchauffer également très
vite pour éviter toute
recristallisation.
J'ai effectué des études physiques nécessaires pour
préparer une future expérience de cryopréservation
d'un rein de lapin.
Ces études sont brièvement
présentées dans ce qui suit :
Calorimétrie différentielle à
balayage
Des études par calorimétrie sur les solutions
cryoprotectrices permettent de déterminer les vitesses de refroidissement
et de réchauffement à partir desquelles l'eau ne cristallise
plus.
Des études complémentaires effectuées
sur des
morceaux de reins de lapins ayant été préalablement
perfusés avec une solution cryoprotectrice montrent l'influence de
l'organe. La cristallisation est plus difficile lorsque la solution est
perfusée dans un rein de lapin (et donc confinée par le
système vasculaire très fin et divisé) que lorsqu'elle
est libre.
Le calorimètre différentielle à
balayage
DSC-2 de Perkin-Elmer
Toxicité des solutions cryoprotectrices sur les globules rouges
- On peut diminuer la toxicité des solutions cryoprotectrices
sur les globules rouges si on leur ajoute quelques pourcents de sucre. Ce
phénomène a été observé lors d'une étude
du taux d'hémolyse en fonction de la durée de conservation
à 4°C.
- Lorsque l'on fait subir un véritable cycle de
cryopréservation aux globules rouges on observe également une
diminution de la toxicité des solutions mais uniquement sous certaines
conditions expérimentales.
- Il est donc envisageable d'abaisser la toxicité pour
les organes
des solutions cryoprotectrices et ainsi de pouvoir les perfuser avec une
quantité suffisante de cryoprotecteur pour réussir à
les vitrifier.
L'appareil de congélation (jusqu'à -196°C),
le SYPCA de Cryo-Diffusion
Suivi de la diffusion d'un cryoprotecteur dans un rein de lapin par R.M.N.
- Avant d'envisager cryopréserver un organe entier, il faut
vérifier l'homogénéïté de l'imprégnation
de celui-ci en cryoprotecteur, et connaître le temps de perfusion
nécessaire pour atteindre à l'intérieur de l'organe
la concentration souhaitée. Dans ce but, j'ai conçu un dispositif
expérimental qui permet de refroidir jusqu'aux environs de -10°C
un rein de lapin dans un aimant de R.M.N., tout en le perfusant et en effectuant
les acquisitions
d'images.
Montage du rein dans un flacon à partir duquel
il sera
connecté au système de perfusion et de
refroidissement
Dispositif expérimental
Images obtenues au cours d'une même expérience,
à
environ une heure d'interval
(plus c'est blanc, plus il y a de
cryoprotecteur)
- Une analyse plus approfondie des images spectroscopiques permet d'estimer
la concentration et la température localement, dans le rein. Il est
ainsi possible d'ajuster le temps de perfusion afin de limiter la durée
du contact avec le cryoprotecteur.
- L'organe n'étant pas dégradé par cette
expérience, il peut éventuellement être regreffé
par la suite, servir pour une expérience de calorimétrie ou
être examiné en anatomopathologie.
Mesures de la viscosité des solutions cryoprotectrices
- La viscosité des solutions cryoprotectrices est un facteur
essentiel dans le processus de vitrification, mais également un handicape
pour parvenir à imprégner de façon homogène l'organe
que l'on perfuse. C'est pourquoi j'ai mesuré, à l'aide d'un
viscosimètre à capillaire, l'évolution de cette grandeur
en fonction de la concentration de la solution en cryoprotecteur et de la
température.
Les conclusions de ce
travail
- La compréhension de l'influence exacte de l'organe sur
la
solution cryoprotectrice, lors du refroidissement et du réchauffement,
est importante. En particulier, vérifier si cette influence est
essentiellement due au confinement ou si d'autres paramètres
interviennent.
- Des études de toxicité complémentaires
sont
nécessaires pour adapter une solution à chaque organe.
- En effectuant suffisamment d'expériences de R.M.N. on
pourra
optimiser le protocole de perfusion du rein et tracer la courbe de la
concentration en cryoprotecteur dans l'organe au cours de la perfusion et
en fonction de la température.
- La vitrification du rein de lapin est expérimentalement
réalisable !